Auteurs 
: Stuart Semple et Juliette Berthier

 Être témoin d’une bonne action peut nous réjouir, tout comme un fou rire peut être communicatif… Ce phénomène, dit de contagion émotionnelle positive, est bien documenté chez l’humain. Mais qu’en est-il chez les autres espèces ? Pour répondre à cette question, Juliette Berthier et Stuart Semple,de l’université de Roehampton, à Londres, ont observé pendant plus de deux mois vingt macaques de Barbarie dans la réserve du domaine de Trentham, au Royaume-Uni. Ils se sont intéressés à une interaction sociale très répandue chez les mammifères et les oiseaux : l’épouillage. « Ces séances de toilettage,aux vertus apaisantes, se produisent au sein du groupe et ont donc de nombreux témoins potentiels », explique Juliette Berthier, « nous nous sommes donc demandé si l’épouillage avait un impact sur le comportement ou l’état émotionnel d’un singe observateur. »

Pour évaluer l’état émotionnel des macaques de Trentham, les deux chercheurs ont mesuré la fréquence de manifestations d’anxiété comme le grattement, le bâillement et l’autoépouillage.
Nous avons observé cette fréquence lorsque le macaque observait deux congénères qui s’épouillaient et lorsqu’il ne voyait aucune interaction d’épouillage. » En comparant ces deux mesures chez un même individu, les scientifiques ont alors démontré qu’observer une séance d’épouillage réduisait significativement l’anxiété du spectateur. Les macaques de Barbarie semblent donc sensibles à la contagion d’émotions positives. « Épouiller un congénère est d’autant plus intéressant que cela permet de renforcer les liens sociaux avec celui-ci,conclut Juliette Berthier, mais aussi d’apaiser les membres du groupe qui observent cette interaction ! »

L’étude va encore plus loin. En effet, les chercheurs se sont intéressés aux changements de comportement chez les spectateurs. « Nous avons considéré deux types d’interactions sociales : les interactions positives(étreinte, caresse, proposition de toilettage) et négatives (morsure, coup,cri, expression faciale agressive) », explique Juliette Berthier. Les deux biologistes en ont conclu qu’observer les séances de toilettage poussait les observateurs à se comporter de façon plus amicale avec les autres membres dugroupe. Par exemple, un singe ayant été témoin d’une séance d’épouillage estplus enclin et plus prompt à proposer à son tour un toilettage à un de sescongénères, préférant être le toiletteur plutôt que le toiletté !

De façon surprenante, l’observation de toilettage ne diminue pourtant pas les comportements agressifs des spectateurs vis-à-vis des autres singes. « Les comportements amicaux et agressifs sont deux classes de comportements qui font probablement appel à des mécanismes cognitifs indépendants et ne sont pas forcément antagonistes. »

Les travaux de Stuart Semple et Juliette Berthier prouvent donc que la contagion émotionnelle positive existe chez d’autres espèces et qu’elle permet de renforcer la cohésion sociale au sein d’un groupe. « Le macaque de Barbarie est une espèce connue pour être tolérante et pacifiste. La sensibilité à la contagion d’émotions ou de comportements positifs pourrait enêtre une des raisons », explique la chercheuse. On pourrait donc s’attendre à ce que des espèces moins tolérantes comme les macaques japonais ou les macaques rhésus soient moins sensibles à ce phénomène. Pour la chercheuse : « Il y a fort à parier que la contagion émotionnelle de ce type joue un rôle non négligeable dans la structure sociale d’une espèce.

Source : https://www.pourlascience.fr/sd/ethologie/les-emotions-positives-sont-contagieuses-chez-les-macaques-15750.php

Pour en savoir plus :

JulietteBerthier et Stuart Semple, Observing groomingpromotes affiliation in Barbary macaques, Proceedings of the Royal Society B:Biological Sciences, vol. 285, n° 1893, 2018.