Dimanche midi. J’ai un peu de temps pour ne rien faire… 

Cela veut dire quoi : Ne rien faire ?.

Simplement, s’arrêter, s’assoir, attendre, penser, regarder, et surtout ne pas culpabiliser…

J’ai encore plein de choses à faire, répondre aux SMS, Messenger, WhatsApp, notes prises au cours d’appels téléphonique…

Mais choisir de faire une pose, pour rien, sans but, sans objectif, et surtout sans culpabilité !

Je suis assise à table, je ne sais pas encore ce que je vais préparer pour mon repas, mais le plus important est fait : Les chiens ont mangé, ils sont allés se promener, et ils dorment profondément à mes pieds. Patton, le Bulldog anglais, ronfle bruyamment, c’est certain, il dort.

Le repas de Charlotte, ma petite Grisounette, est servi également !

Je regarde Charlotte ; Elle est sur le sommet de sa cage, et elle aussi semble profiter du calme bienveillant d’un dimanche gris et pluvieux d’un automne qui finit par arriver.

Tout est paisible, le temps semble suspendu dans les airs. 

Ne croyez pas qu’il ne se passe rien… La vie est bien présente, et tout peut arriver, simplement, c’est un moment précieux, où rien ne semble exister, mais où tout se prépare, se murit, 

Je regarde Charlotte, au travers de la vitre qui sépare la salle à manger du domaine de Charlotte, la véranda, sa véranda.

Je regarde Charlotte, qui est immobile sur le perchoir qui domine sa cage. La porte de sa cage est grande ouvert, comme toujours dans la journée;

Le poids de mon regard, ou simplement la vibration de l’énergie émise par mon attention, ont sur Charlotte l’effet de la sonnerie du réveil : Charlotte sait, comprend, vit l’attention et l’observation qui m’anime, et elle se réveille.

Elle me regarde, nous nous regardons dans un silence intensif et bien réel, presque matériel.

Tranquillement, la Miss quitte son perchoir, descend tranquillement, mais avec attention et prudence, pour entrer dans sa cage.

Toujours les mêmes gestes, le même rituel ; la tête en bas, le bec qui est sont point d’attache, comme un montagnard qui escalade la paroi abrupte d’un rocher, et qui pose ses points d’appui sécuritaires ; ses deux pattes qui, mouvement précis par mouvement précis et contrôlés, s’accrochent aux barreaux de la cage.

Lentement, calmement, en parfaite sécurité, Charlotte regagne l’intérieur de sa cage, s’installe sur le perchoir principal, se pose tout près de la mangeoire pleine de fruits et légumes, de graines germées, de céréales cuites.

La routine…

Charlotte inspecte, regarde : elle sait que tous les jours, le menu, bien que semblable dans la composition, sera différent : un ou des fruits nouveaux, un nouveau légume. Elle inspecte, tout comme un humain, au restaurant, prend le temps de lire la carte : de quoi ai-je envie aujourd’hui ?

Charlotte inspecte, plonge la tête dans la mangeoire, et je devine qu’elle est en train de faire son choix. Je sais qu’elle aime tout ce que j’ai mis dans son repas du jour, mais je sais aussi que ma Miss, comme moi, comme vous peut-etre, aime choisir, n’aime pas la monotonie – à condition – que certains aliments, comme les graines germées soient présents.

Pour beaucoup d’humains, il faut du pain à table, pour Charlotte, il faut des graines germées, c’est ainsi, c’est Charlotte.

Bon, elle inspecte, et immédiatement elle prend un beau morceau de Grenade, bien mûre, bien rouge… Elle adore… Oui, mais pas maintenant : Hop ! D’un coup de bec, énergie et précis, e morceau de Grenade valse hors de la mangeoire et tombe sur la grille du fond de cage… Et Hop, le second et le troisième morceau de Grenade suivent le même chemin.

Le premier constat serait de dire que Charlotte n’aime pas la Grenade : détrompez-vous ! Charlotte aime, adore même la Grenade, et elle en reçoit chaque jour, mais  Charlotte décide que ces trois morceaux de Grenade sont pour plus tard, lorsqu’elle aura une petite faim, dans l’après-midi, après sa sieste.

Charlotte plonge la tête entière dans sa mangeoire, je ne vois que sa nuque, et je perçois les mouvements de son bec, guidés par ses yeux, appliqués à choisir ce qui sera l’entrée de son choix pour ce repas.

Elle lève sort la tête de sa mangeoire, relève son bec, plie un peu nuque vers l’arrière, et elle déguste une toute petite chose, minuscule, mais qu’elle a vraiment l’air d’apprécier : une graine germée, évidemment !

Elle déguste, les yeux fermés, sans doute pour mieux vivre ce merveilleux instant de plaisir gustatif.

À ce moment présent, Charlotte ne mange pas : elle déguste, elle prend le temps de vivre pleinement un plaisir simple : aimer ce moment qu’elle est en train de vivre.

Je vois son bec bouger avec précision, je devine sa langue qui doit triturer la petite graine germée, et je sais que, bientôt, la peau de la graine sera expédiée au sol, pour la poubelle, ou le compost.

Puis, le bec vide, la tête de Charlotte va replonger dans sa mangeoire. Peut-etre pour une nouvelle graine germée, ou pour un morceau de pomme, de carotte, un petit morceau d’endive, ou concombre, qui peut le savoir, à part elle ?

À faire l’inventaire de ce repas, il serait presque logique de penser que Charlotte est végétarienne… Que nenni !

Charlotte n’est ni  «  Végé », ni «  Vegan ». Charlotte ne se refuse jamais  le plaisir de déguster un os de pilon de poulet rôti, sur lequel est resté accroché un peu de viande bien cuite. Là encore, elle sait faire durer sons plaisir avant de se délecter du cartilage qui surplombe  l’os de poulet. Charlotte est une fine gastronome, il ne faut pas l’oublier.

Elle ne refusera  jamais, même sans faim, de terminer son repas gastronomique par un petit morceau de fromage de  Gruyère, ou mieux de Comté, avec la croûte.

Et le dessert, direz-vous ?

Au choix de ses envies, ou bien évidemment ce qui est proposé à la carte : un grain de raisin, dont elle enlèvera la peau et les pépins; un quartier de mandarine, une cerise, un morceau d’abricot bien mûr, un petit morceau de mangue, avec la peau, ou autre fruit de saison, en fonction de ce qui est proposé sur le marché.

Je continue de regarder ma Charlotte. Je l’aime, malgré son foutu caractère, un vrai caractère de Gris du Gabon !

J’ai pour coutume de dire : Un gris du Gabon, c’est :

  • Comme je veux ! Si je veux ! Comme je veux !

Et ce n’est pas Charlotte qui me fera mentir : Sacrée Charlotte !